Les premiers agriculteurs de la région vont devoir bûcher l’hiver pour survivre et l’exploitation forestière sera bientôt la première industrie en Outaouais avec ses camps de bûcherons et ses draveurs qui font franchir aux billes de bois des centaines de kilomètres de rivières, de chutes et de lacs. Dans les villes, les scieries et les usines de pâtes et papiers vont transformer cette matière première, employer des milliers d’ouvriers et d’ouvrières et contribuer à l’édification de fortunes énormes. On retrouve les traces de cette histoire industrielle depuis les quartiers ouvriers de Hull jusqu’aux anciennes installations le long des rivières. De nombreux circuits patrimoniaux à travers la région permettent d’appréhender les difficultés de la drave ou de la vie des ouvriers d’alors.
C’est au début du XIXe siècle que l’Outaouais s’ouvre à la colonisation d’origine américaine ou britannique. Pour organiser la colonie, le gouvernement exige qu’un regroupement de personnes s’associent pour développer les terres qui leur sont concédées. C’est le principe du système « leaders et associés ». En 1800, l’Américain Philemon Wright va ainsi obtenir une concession dans le canton de Hull qu’il va rapidement mettre en valeur avec ses associés et membres de sa famille. Des fermes sont construites sur les concessions du « Great Township of Hull » et scieries et moulins à farine, forges et distilleries font bientôt leur apparition aux abords de la chute des Chaudières.
La drave pour s’assurer une subsistance
Au même moment, dans sa seigneurie nouvellement acquise, Joseph Papineau s’emploie lui aussi à exploiter les terres de la Petite-Nation. Rapidement, les colons réalisent que l’agriculture seule ne pourra assurer leur prospérité. Ils se tournent alors vers les vastes forêts, le bois étant alors très recherché en Grande-Bretagne. En 1806, Philemon Wright lance depuis l’embouchure de la rivière Gatineau un premier radeau de diverses pièces de bois et de planches sur la rivière des Outaouais. Avec quatre de ses hommes, ils vont mettre deux mois à atteindre la ville de Québec, mais l’expédition est un succès. Elle ouvre la voie à la drave sur tous les cours d’eau de la région. En moins d’un demi-siècle, l’Outaouais devient l’une des plus importantes plaques tournantes du commerce du bois équarri et du bois scié au Bas-Canada. De gigantesques trains de bois sont assemblés en « cages » pour être flottés jusqu’à Québec. Les chutes représentant des obstacles importants, on les contourne avec des glissoirs construits sur les rives.
Après 1850, on se sert de bateaux à vapeur pour remorquer les trains de bois jusqu’à Québec. Pour répondre à la demande nord-américaine, des scieries employant plusieurs dizaines d’hommes se construisent sur les cours d’eau. Le Centre d’interprétation de l’historique de la protection des forêts contre le feu de Maniwaki consacre une partie de son exposition au difficile travail des bûcherons et aux camps de travailleurs forestiers tandis que le parc des chutes Coulonge, dans le Pontiac, propose sentiers d’interprétation et artefacts de la drave. Le Musée d’histoire de Buckingham aborde également le sujet de l’exploitation forestière dans la région de la Vallée-de-la-Lièvre.
Une colonie industrieuse
Dans les années 1830, la région va profiter de l’afflux de travailleurs qui ont participé à la construction du canal Rideau sur la rive ontarienne. Les industries se diversifient et les vagues de migrants se succèdent pour aller coloniser les terres nouvellement arpentées de la Haute-Gatineau. Les colons se consacrent à l’agriculture l’été et se font bûcherons l’hiver. Au milieu du XIXe siècle, Wright’s Town, le futur Hull, est un petit village industrialisé et prospère. Au début du XXe siècle, le site de la chute des Chaudières et celui du ruisseau de la Brasserie comptent de nombreuses usines alors que les rives se couvrent de cours à bois. Hommes et femmes sont employés dans les usines de pâtes et papiers, d’allumettes, de textiles, de salaisons ou à la cimenterie. Des quartiers naissent autour des usines.
Le grand feu de 1900 et la crise des années 1930 vont faire disparaître nombre de ces industries. En 1969, le réaménagement du centre-ville de Hull pour y construire les grands édifices fédéraux de Place-du-Portage va conduire près de la moitié de sa population à l’exode à la suite des expropriations. En 2002, la fusion des villes de Hull, Gatineau, Aylmer, Buckingham et Masson-Angers permet la création du grand Gatineau qui devient la quatrième ville en importance du Québec.
Un passé industriel bien présent
Au cœur de Hull, le ruisseau de la Brasserie a été pendant plus de 150 ans le site de diverses industries dont on peut encore voir les traces en suivant le circuit patrimonial qui longe ses rives. Le Quartier-du-Moulin, dans le secteur de Gatineau, offre un autre circuit patrimonial dans ce qui a été Gatineau Mills. On retrouve aussi de nombreux témoignages du passé industriel de la région dans les circuits patrimoniaux de Buckingham et de Masson-Angers, ou encore aux chutes de Plaisance, site de l’ancien village industriel de North Nation Mills aujourd’hui disparu.